Le village des Justes — Emmanuel Deun

Le Chambon-sur-Lignon de 1939 à nos jours
Le Chambon-sur-Lignon est lié à mon histoire familiale, différente de la belle histoire connue depuis pas si longtemps.

en bas à gauche, la couverture du livre d'Emmanuel Deun, Le village des Justes - Le Chambon sur Lignon de 1939 à nos jours
En haut, les pasteurs Trocmé, Darciassac et Theiss, en bas à droite Martha et André Trocmé,
En haut, les pasteurs Trocmé, Darcissac et Theiss, en bas à droite Martha et André Trocmé

Pendant la Seconde Guerre mondiale, mes grands-parents vivaient à Saint-Étienne. Leur immeuble a été bombardé, sans que personne ne soit touché. La famille était malgré tout bel et bien à la rue. Ils se sont réfugiés chez un couple protestant, originaire du Plateau du Haut-Lignon et c’est ainsi que ma famille catholique bourguignonne s’est adjoint une branche protestante cévenole.
Enfant et adolescente, je venais pour les vacances d’été au Chambon, sans réaliser ce que notre vie familiale pouvait avoir d’incongru. Nous allions à la messe le dimanche matin, ils allaient au temple. De toute façon, tout le monde se retrouvait ensuite à la pâtisserie. J’ignorais ce qui s’y était passé pendant la guerre. Personne n’en parlait.
Je ne l’ai appris qu’en 1982, avec la parution du livre de Philippe Boegner, Ici, on a aimé les juifs.

Au sommaire de cet article

Des personnages emblématiques

#Le pasteur André Trocmé
André Trocmé est né, en 1901, à Saint-Quentin dans l’Aisne de parents protestants. Sa mère était allemande. Poursuivant des études de théologie aux États-Unis (il a été le percepteur des enfants de John Rockfeller junior), il rencontre Magda Grilli di Cortona qu’il épouse. Elle est née à Florence en Italie.
Sa hiérarchie n’appréciant pas ses opinions pacifistes, elle l’envoie dans un village loin de tout, Le Chambon-sur-Lignon.

#Le pasteur Édouard Theis
Édouard Theis est né à Paris en 1889. André Trocmé fait appel à lui pour diriger l’École Nouvelle Cévenole dès sa première rentrée en 1938. Edouard Theis en sera le directeur jusqu’à sa retraite en 1963. Il partage les opinions pacifistes du pasteur Trocmé.

#Mireille Philip
Mireille Philip est née en 1901 à Paris. En 1924, elle épouse André Philip qui fut un des quatre-vingts parlementaires à refuser les pleins pouvoirs à Pétain. Considérant que Lyon n’était plus sûr, il quitte Lyon avec sa famille et s’installe au Chambon. Il est proche du pasteur Theis.

#Et bien d’autres
Charles Guillon (1803-1965) est pasteur du Chambon-sur-Lignon de 1921 et 1927. Il devient maire de la commune en 1931.
Roger Darcissac (1898-1982) est instituteur et dirige l’école publique du Chambon-sur-Lignon
Roger Le Forestier (1908-1944) médecin — il installe son cabinet au centre du village — et résistant. Il est arrêté le 4 août 1944. Il fait partie des cent-vingt prisonniers qui sont assassinés à Saint-Genis-Laval sur l’ordre de Klaus Barbie.

Et d’autres encore, tellement nombreux que c’est le village tout entier qui s’est vu décerné le titre de Juste parmi les nations.

Le Chambon-sur-Lignon entre en action

L’appel du 23 juin 1940

Le contexte :

  • 14 juin 1940, Paris tombe aux mains des Allemands
  • 16 juin 1940, Pétain est nommé président du Conseil
  • 18 juin 1940, de Gaulle lance son appel à la résistance
  • 22 juin 1940, l’armistice est signé avec l’Allemagne

Le 23 juin 1940, le pasteur Trocmé appelle la population à résister pacifiquement :

« Nous résisterons lorsque nos adversaires viendront exiger de nous des soumissions contraires aux ordres de l’Évangile. Nous le ferons sans crainte comme aussi sans orgueil et sans haine. Le devoir des chrétiens est d’opposer à la violence exercée sur leurs consciences les armes de l’esprit. »

Les actions

  • L’École nouvelle Cévenole héberge de nombreux enfants et adolescents juifs
  • Mireille Philip fait de nombreux passages en Suisse pour mettre des enfants en sécurité. Quand elle comprend qu’elle est grillée et qu’elle ne peut plus aider les enfants à rejoindre un lieu sûr, elle entre dans la Résistance armée.
  • Au péril de sa vie, Charles Guillon transporte des valises pleines d’argent pour financer les maisons d’enfants.
  • Chaque fois que Roger Darcissac est sollicité pour recenser les juifs de son école, il indiquera Néant sur les documents

Les maisons d’enfants

  • Le home d’enfants Tante Soly, une petite maison en plein milieu du village accueille une trentaine d’enfants qu’il faut aussi nourrir trois fois par jour.
  • Le fonds européen de secours aux étudiants (organisme suisse) crée une maison, Les Roches. La seule maison d’enfants qui fera l’objet d’une rafle.
  • Le Mouvement International de Réconciliation, aidé par les quakers, ouvre Les Grillons
  • La Cimade ouvre Le Coteau Fleuri


Et ce ne sont pas les seuls…

La journée du 10 août 1942

Le secrétaire d’État à la Jeunesse vient au Chambon pour rencontrer les mouvements de Jeunesse. À l’issue du culte au temple protestant, culte auquel le pasteur Trocmé a tenu, sans doute pour illustrer la Résistance du village, des élèves lisent une lettre dans laquelle ils parlent de la rafle du Vel’ d’Hiv, rappellent que faire une différence entre juifs et non-juifs est contraire à l’enseignement évangélique et que par conséquent :

« Nous nous efforcerions de les cacher de notre mieux ».

La suite de la journée a été tendue. Le préfet ayant néanmoins lâché que les juifs seraient recensés d’ici quelques jours, l’opération « Disparition des juifs » a été mise en place et ce ne sera pas la dernière.
J’ai assisté, il y a deux ans, à la commémoration de cette journée. L’histoire n’a pas retenu le nom de ces jeunes gens et les témoins sont maintenant rares.

Le drame de l’École des Roches

Le 29 juin 1943, les Allemands embarquent une vingtaine de jeunes gens. Sept seulement reviendront. Ils emmènent Daniel Trocmé qui mourra le 2 avril 1944 au camp de Maïdanek. Il avait trente-deux ans.

Des circonstances favorables

  • Un habitat dispersé
  • Une tradition d’accueil : le pasteur Louis Comte a créé en 1892 L’œuvre des enfants à la montagne qui envoie les petits stéphanois sur le Plateau.
  • Le double jeu du préfet Bach, sans doute favorable aux juifs au Chambon
  • Le peu de zèle que la gendarmerie mettait à accomplir ses missions
  • La mémoire vive des protestants qui se souvenaient de leur propre persécution.
  • Des hommes charismatiques

Après la guerre

L’École nouvelle Cévenole est rebaptisée Collège Cévenole. Fidèle à ses valeurs, elle continue d’accueillir des réfugiés (Tibétains, Chiliens, etc.). Le collège devient un établissement d’élite, mais périclite par la suite. Il ferme définitivement ses portes après le viol et le meurtre d’une adolescente par un de ses condisciples.
En 1971, André Trocmé est le premier à qui le Comité Yad Vashem décerne le titre de « Juste parmi les Nations ». Mireille Philip le reçoit en 1976, Roger Darcissac en 1988, toute la région et ses habitants en 1990, Charles Guillon en 1991, Magda Trocmé en 1996.
André et Magda Trocmé reposent au cimetière du Chambon.

La mémoire

Le nombreux livres ont été écrits sur cette belle histoire qui avait été oubliée. L’intérêt du livre d’Emmanuel Deun se situe aussi sur le travail de la mémoire, il reste sans doute des choses à comprendre de cette période.

Info-livre

Couverture du livre d'Emmanuel Deun, Le village des Justes - Le Chambon sur Lignon - De 1939 à nos jours

Editeur : Imago
ISBN : 978-2-84952-959-1
Pages : 230
Date de parution : 17/10/2018

Auteurs régionaux

La disparue du calvaire
Jacqueline Lefort

En arrière plan, un livre ouvert sur une terrasse, au premier plan la couverture du livre de Jacqueline Lefort, La disparue du calvaire
Un livre ancré dans la région de l’auteur

Sept jours au Mazet-Saint-Voy
Yves Montmartin

A gauche, couverture du livre de Yves Montmartin, Sept jours au Mazet-Saint Voy, à droite des photos du Mazet
Photos : Eglise de Saint-Voy, jardin botanique et le Lizieux, suc qui domine le Mazet.

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Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)
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Rédactrice NetGalley

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