Interview — Tom Noti

J’ai découvert Tom Noti en lisant Témoin de rien, une belle surprise. Son dernier livre, Juste pour Dara, m’a touchée parce que l’auteur donne une version romanesque de faits qui sont forcément advenus, un jour, quelque part, des faits connus après un long temps de silence. Comme si Tom Noti voulait combler Le silence des Justes1.

Tom Noti
Tom Noti

1/ Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis auteur depuis peu (12 ans). J’ai mis du temps à me lancer, car je pensais qu’il fallait appartenir à un certain milieu pour avoir l’audace d’écrire un roman. Et puis la trouille aussi…
Je vis à Grenoble, entouré de mes montagnes, et je suis fou de basket-ball, de musique et de cinéma.

2/ Quels sont vos auteurs préférés ?

Il y en a trop ! Je vais donc aux plus évidents : J. Fante, J. Grisham (pour l’Amérique des immigrés et des tribunaux), T. Sharpe (pour la folie british), P. Fromm (pour la beauté de l’épure), A. Cadéo (pour la beauté de tout), F.Caro (pour la voix d’outre-tête) et mes copains qui se reconnaîtront (si je commence à en nommer un…)

Couverture du livre de Pete Fromm au premier plan

3/ Vous ont-ils influencés ?

Certains m’ont permis d’envisager qu’écrire pouvait être une joyeuse fête dont pouvait émerger un feu d’artifice de larmes et de rires. Mais je reste trop admiratif en général pour tenter d’extirper de leurs romans une quelconque influence qui alimentera les miens. Ça aurait même plutôt tendance à me freiner.

Couverture du livre de Paul Noti, Elles m'attendaient

4/ Quel est votre roman le plus vendu ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Il s’agit de « Elles m’attendaient » qui a gagné le prix Lettres frontière entre la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Suisse. L’histoire d’amour d’un homme en équilibre entre une enfance bousculée et une femme lumineuse. Il décide de suivre son cœur, mais, à la naissance de leur fille, son passé l’ensevelit et il perd pied.

5/ Témoin de rien et Juste pour Dara ont des intrigues aussi originales l’une que l’autre, mais totalement différentes, comment décidez-vous des thèmes de vos livres ?

Le hasard des rencontres, des lectures. Je suis assez curieux des autres et les autres me le rendent bien en ayant souvent de curieuses existences. Je découvre un thème et le traite à ma façon en m’éloignant souvent, au final, de l’histoire qui m’avait attiré.

6/ Vouliez-vous passer un message ?

Je pense parfois témoigner à travers mes personnages, mais je ne crois pas passer de messages. Par exemple pour Témoin de rien, je voulais aborder la violence domestique, mais par le biais de personnages extérieurs au couple concerné : le chien, les enfants, la famille autour.

Couverture du livre de Tom Noti, Témoin de rien

7/ Vous racontez l’histoire d’un juste italien, pourquoi lui et pas un juste français ?

Tout simplement parce que je suis tombé sur un article parlant de lui. J’ai été happé par son histoire. Alors effectivement, je suis d’origine italienne et totalement amoureux de la Sicile, donc j’ai plongé sur ce décor ensoleillé et l’histoire de ce pays balloté par l’Histoire. Mais si j’étais tombé dans un premier temps sur un héros français, j’aurais tenté de raconter une histoire autour de lui.

Couverture du livre de Tom Noti, Juste pour Dara

8/ Comment avez-vous entrepris vos recherches concernant le mystérieux « grand homme » de Juste pour Dara ?

En achetant beaucoup de livres ! Mais aussi en visionnant des tas d’émissions, de témoignages, d’images d’archives de lui, mais aussi de ses enfants qui eux, ont parlé… et en écoutant Paolo Conte.

9/ Est-ce que l’histoire des Justes est quelque chose qui résonne en vous ?

Ce sont d’abord les histoires d’êtres brimés, meurtris, dévastés ou dépaysés qui résonnent en moi.
Ces justes qui les sauvent, les relèvent et se réfugient dans l’ombre et le silence me laissent simplement pantois d’admiration.

10/ Le « grand homme » explique à Dara pourquoi il ne veut pas parler. Peu de Justes ont parlé, en quoi était-ce important d’expliquer ce silence ?

Je ne voulais pas forcément l’expliquer, mais plutôt tenter de le comprendre. J’avais lu les quelques déclarations que mon personnage de Juste avait laissé échapper. Il n’y avait pas beaucoup de « matière » pour ses dialogues. J’ai donc tenté de comprendre le rôle de la foi dans son attitude, ce qui peut être une des pistes d’explication.

11/ Vous avez réagi quand j’ai posté une citation d’un de vos personnages :

« Pourquoi croyez-vous que les hommes aient moins besoin de plonger dans les livres ? Le monde leur appartient. Pourquoi auraient-ils besoin d’un autre terrain de jeu où s’ébrouer ? Ils n’ont rien à inventer puisque tout leur est offert. » Pensez-vous que ce ne soit plus vrai aujourd’hui ?

Les choses évoluent indéniablement, car la société évolue. À l’époque du roman, Carmela est une femme intellectuellement émancipée, mais elle avoue elle-même qu’elle ne l’a jamais été dans le quotidien de sa vie. Elle rue dans les brancards du patriarcat, mais elle est aussi consciente qu’il en aurait été tout autrement si elle était tombée amoureuse d’un homme. Ce serait une belle étude sociologique que de comparer l’évolution de l’homme-lecteur, du siècle des Lumières jusqu’à nos jours en passant par l’industrialisation. Je ne peux que témoigner de ce qu’il se passe autour de moi, qui suis un homme-lecteur, mes amis ne lisent pas beaucoup alors que mes amies oui. De là à en tirer des généralités, des conclusions….

12/ Lisez-vous beaucoup d’auteurs féminins ?

Oui… mais seulement parce que je lis beaucoup. Je ne fais pas de distinction entre les auteur(e)s selon leur sexe. Je préfère distinguer le talent (qui reste heureusement non-genré). Alors je lis T. Morrison, A. Nothomb, B. Abel, V. Tong Cuong, S. Le Bihan, S. Colette, T. De Rosnay, V. Despentes et bien d’autres (avec un e)…

  1.  Le silence des Justes est un film documentaire de Caroline Puig-Grenetier qui interroge le silence des Justes et l’émergence de la parole des décennies plus tard. ↩︎

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Rédactrice NetGalley

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