Paul Duke – Interview

Un roman bien écrit sur un sujet difficile — humanitaires et journalistes au Soudan du Sud — c’est le moyen d’aller plus loin que les froides actualités (souvent avec des chiffres) des journaux télévisés, de ressentir de l’émotion et de mieux comprendre des enjeux compliqués. Tel est le sujet du livre de Paul Duke, Sous le sol de coton noir, un livre intelligent et passionnant.

Portrait de Paul Duke et couverture de son livre, Sous le sol de coton noir
© Photo de Paul Duke par Gwenn Dubourthoumieu

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis né au Royaume-Uni en 1983 d’une mère française et d’un père anglais. J’ai grandi d’abord en Angleterre, puis en France, près de Clermont-Ferrand. J’ai toujours baigné dans un environnement bilingue, ce qui aura été une véritable bénédiction tout au long de ma vie. J’ai une formation de journaliste, mais ma véritable vocation m’attendait ailleurs. Je l’ai trouvée le jour où, à 24 ans, j’ai mis le pied en Afghanistan pour prendre la responsabilité d’un magazine de santé. Je n’ai depuis jamais quitté le monde de l’aide humanitaire.

Vous avez une expérience professionnelle dans des ONG (MSF, Solidarités international…) en tant que communication manager, pouvez-vous décrire votre rôle ?

Les organisations non gouvernementales sont indépendantes de nature, que ce soit dans leur mandat d’assistance aux populations vulnérables que dans leur fonctionnement. Beaucoup d’entre elles dépendent de la générosité du public pour assurer l’apport d’aide sans entraves. En tant que chargé de communication, j’ai eu de nombreuses responsabilités, la finalité étant principalement de contribuer à améliorer la notoriété des organisations pour lesquelles j’ai travaillé. Plus spécifiquement, je mets un point d’honneur à collecter des témoignages de première main de personnes sur le terrain, que ce soit les populations qui nécessitent un appui ou les professionnels de l’aide. C’est donc un travail, mais aussi un engagement, qui m’a permis de me rendre dans de nombreux pays en difficulté, tout en m’inspirant au quotidien. Ce métier m’a donné accès aux pires horreurs de ce monde. C’est quelque chose que j’avais besoin d’exorciser d’une manière ou d’une autre et j’ai choisi l’écriture.

Sous le sol de coton noir parle d’humanitaires et de journalistes, ai-je raison de penser que votre livre est inspiré de votre double expérience de journaliste et d’humanitaire ?

Vous avez entièrement raison ! Même si j’ai exercé relativement peu longtemps le métier de journaliste, les outils et compétences que j’utilise au quotidien sont les mêmes que ceux des reporters. J’ai surtout gardé une très forte sensibilité pour le grand reportage et le photojournalisme. Il arrive que les ONG fassent appel à des journalistes pour les aider à véhiculer leurs messages et j’ai ainsi eu la chance de côtoyer des grands reporters renommés. Sous le sol de coton noir relate également cette relation entre humanitaires et journalistes, qui est beaucoup plus proche que les uns et les autres ne veulent l’admettre ! En tout cas, j’avais la ferme volonté dans ce roman de rendre hommage aux deux métiers et aux professionnels qui m’inspirent et même me font rêver.

Couverture du livre de Paul Duke, Sous le sol de coton noir

Pourquoi un roman et pas un témoignage ?

Le roman comporte énormément de choses réelles, de détails, d’anecdotes, voire même de personnages qui existent. En revanche, je voulais aller plus loin que relater ma propre expérience au Soudan du Sud, pays dans lequel j’ai eu la chance de travailler à deux reprises. En tant qu’humanitaire, engagé, j’ai voulu sensibiliser les lecteurs au contexte très peu connu qui affecte cette nation, la plus jeune au monde puisqu’elle n’a obtenu son indépendance qu’en 2011. En tant qu’auteur, en revanche, j’avais l’envie de couvrir de nombreux autres sujets, tels que les amitiés fortes, la famille, la santé mentale, et révéler également le fonctionnement de l’aide humanitaire et à quel point celle-ci peut être instrumentalisée à des fins politiques.

Êtes-vous vous-même un lecteur ? Si oui, y a-t-il des auteurs qui vous ont donné envie d’écrire une fiction ?

Je suis un lecteur passionné depuis mon plus jeune âge, bien entendu ! J’ai toujours eu une forte sensibilité pour le roman noir et le polar dont j’emprunte quelques codes au fil de l’enquête qui se déroule dans Sous le sol de coton noir. J’écris des histoires d’aventures depuis mon enfance, donc l’envie était déjà là, mais je n’aurais peut-être jamais tenté l’aventure du roman si je n’avais pas lu, pour les classiques : Dostoïevski, Oscar Wilde, George Orwell, Jack Kerouac, Joseph Kessel, Ernest Hemingway… En plus contemporain ou en polar : Stephen King, Jonathan Coe, Fred Vargas, Philip Kerr, Michael Connelly… Sans oublier les personnes qui m’inspirent au quotidien, à savoir mon frère Simon et mon père Alan, qui écrivent tous les deux aussi.

Vous aviez déjà publié un livre en anglais et en autoédition The Last Laugh. Pouvez-vous nous en parler ?

Vous avez bien enquêté ! En effet, j’ai réalisé mon premier effort de roman dans ma langue maternelle, car cela me semblait plus naturel, alors que j’avais mené la majorité de ma scolarité en France. The Last Laugh est une histoire qui tourne également autour de l’aide humanitaire et notamment d’une mission qui tourne mal, évidemment ! Ce roman se veut un peu plus satirique, mais toujours avec une certaine tendresse envers les personnages originaux que l’on croise inévitablement pendant les missions humanitaires dans des endroits du monde plutôt insolites.

Sera-t-il un jour publié en français ?

Il n’y a pas de projet de traduction de The Last Laugh à l’heure actuelle. Vous voulez tenter votre chance ?

Quelle est votre expérience de l’autoédition ? Donneriez-vous un conseil en particulier aux auteurs autoédités ?

D’avoir écrit en anglais m’a poussé à aborder le marché de l’édition britannique. Là-bas, il est plus courant de trouver un agent littéraire en premier lieu, or je ne n’en ai pas trouvé donc j’ai tenté l’aventure de l’autoédition. Mon expérience est assez mitigée, notamment parce que je suis passé par une grande plateforme, attractive pour sa grande facilité d’utilisation et sa gratuité. Or cette même plateforme, que je ne citerai pas, est en train de tuer le livre, ce que j’ai découvert à mes dépens quand je travaillais à la promotion de The Last Laugh. En revanche, j’ai trouvé que c’était une bonne expérience d’échanger avec d’autres auteurs ou lecteurs, de s’entraider dans l’amélioration de nos récits.

Comment êtes-vous entré en contact avec les éditions du Rocher ?

J’ai eu la chance de côtoyer plusieurs écrivains au cours de ma vie, notamment dans le cadre de mon engagement humanitaire. À une occasion en particulier, j’ai échangé avec Vladimir de Gmeline, qui est journaliste à Marianne, mais également un auteur remarquable. Nous devions organiser ensemble une visite de presse en République démocratique du Congo, qui n’a malheureusement pas vu le jour, mais nous sommes restés en contact. Vladimir a gentiment consulté puis partagé mon manuscrit avec Julie Daniel, son éditrice au Rocher, qui est aujourd’hui la mienne ! Je profite de cette occasion pour les remercier chaleureusement tous les deux pour leur soutien et leur accompagnement.

Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

Bien entendu ! Plein ! Trop…

Merci Paul Duke pour ces réponses

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