Présent à Quai du Polar en 2019, Jean-Christophe Rufin a dialogué devant une œuvre de Rubens : Saint Dominique et Saint-François préservant le monde de la colère du Christ, l’occasion pour les participants d’aborder cet auteur sous un angle différent. Et pour moi, d’acheter son premier roman policier : Le suspendu de Conakry.
Après avoir expliqué qu’il aime les livres longs, foisonnants, avec beaucoup de personnages, comme dans le tableau, il a évoqué son expérience d’ambassadeur au Sénégal et en Gambie sans oublier sa rencontre avec le personnage qui a inspiré Aurel.
Un auteur brillant, cultivé, en un mot irrésistible.
Est-ce que j’ai retrouvé toutes ces qualités dans ce livre ?
Je vous en dis plus
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Dans la capitale de la Guinée, Conakry
On s’y croirait :
La chaleur
“Dans moins d’une heure, tout serait lumière et poussière mais, pour le moment, la lutte était à peu près égale entre l’haleine humide de la nuit et la sécheresse incandescente du petit jour”
La population
“La ville à l’aube était encombrée de piétons, car les pauvres, selon une loi universelle à laquelle Conakry ne fait pas exception, sont contraints de se lever plus tôt que les autres.
Des groupes entiers de femmes et d’hommes marchaient, portant sur la tête des sacs ou des bassines en plastique.”
La culture
“Les relations de famille en Afrique forment un tissu invisible sous le décor en trompe-l’œil des institutions officielles. Un directeur d’administration et un coursier peuvent être très proches en raison de leur parenté et se rendre des services que leur position hiérarchique visible ne permettrait pas de soupçonner. A l’inverse, deux dignitaires en apparence égaux peuvent se révéler séparés par des antagonismes ancestraux, l’un persistant à considérer l’autre comme un ancien vassal, voire un descendant d’esclaves.”
“Vous savez comment ça se passe dans notre culture. Il faut s’asseoir, boire le thé… Rien n’est plus inconvenant que d’aborder directement un sujet. La tradition d’hospitalité veut qu’on mette son hôte à l’aise. Et l’hôte prend son temps avant d’en venir à l’objet de sa visite.”
Un univers inhabituel mais JC Rufin ne l’exploite pas assez. J’aurais aimé en savoir plus sur Conakry, les gens qui vivent là-bas, les relations entre les diplomates et les locaux. Dommage de ne se servir de cet univers que comme toile de fond.
Un Consul de France inattendue
Rien, vraiment rien, ne prédestinait Aurel à devenir Consul de France.
D’abord parce qu’il est né en Roumanie et a vécu sous le régime de Ceausescu, où il a appris la navigation en milieux troubles.
“Quand il vivait en Roumanie, Aurel s’était habitué à ce mariage permanent de la respectabilité et du crime. Les dignitaires communistes avaient tous l’air de mériter Marx sans confession. Et pourtant, ils cachaient sous ce masque la corruption, le mensonge, la violence.”
Ensuite, parce qu’une fois en France, il n’a eu d’autres possibilités que de jouer du piano dans des bars. Et heureusement pour lui, la musique continue de l’apaiser :
“Cependant, pour lui, Mozart était une sorte de dernier recours, un dictame qui apaisait toutes les inquiétudes, extrayait de l’âme la laideur du quotidien et le faisait entrer dans le monde pur des idées.”
Enfin parce que, non content d’afficher un physique ingrat, il l’affiche avec un pardessus en toutes circonstances, même à Conakry. Il pourrait afficher ses connaissances en informatique, mais non :
“Aurel était extrêmement habile au maniement des ordinateurs. Pour être tranquille au bureau, il jouait à celui qui n’y connaissait rien.”
Comme il n’a pas ce qu’il faut pour être Consul, il se retrouve au placard. Une nouvelle fois, j’aurais aimé en savoir plus, que l’auteur aille plus loin que ce protagoniste en noir et blanc.
De même pour les autres personnages trop archétypaux : la femme vénale, la femme compréhensive, le douanier bourru, le policier borné et j’en passe.
Pour une fois, JC Rufin écrit un polar
Et c’est plutôt réussi. Je me suis laissé prendre au jeu et j’ai enquêté aux côtés d’Aurel, sans deviner la fin ou m’agacer des ficelles parfois grossières utilisées par certains auteurs.
Le style
Une apparence de légèreté pour parler de richesse, de pauvreté, de différences de culture, de visions du monde. Le collier rouge reste néanmoins mon livre préféré de l’auteur.
Distinctions
- Prix Arsène Lupin 2018
Mon avis en résumé pour Le suspendu de Conakry
Ce que j’ai aimé
- L’intrigue
- Le personnage principal décalé
- L’univers narratif
- Le style
Ce qui m’agacée (mais peut-être pas vous)
- Le manque de profondeur
Ce livre m’a donné envie de découvrir d’autres livres de Jean-Christophe Rufin. Je me suis néanmoins lassée d’Aurel le consul après avoir lu Les trois femmes du consul et Le flambeur de la Caspienne. Mon livre préféré de l’auteur : Le collier rouge. Connaissez-vous cet auteur ?
Mes notes
Univers narratif | 3,5/5 |
Personnages | 3,5/5 |
Intrigue | 3,5/5 |
Style | 5,0/5 |
Moyenne | 3,9/5 |
Des enquêteurs décalés
Poulets grillés
Sophie Henaff
Bain de minuit à Buckingham
S. J. Bennett
Info-livre : Le suspendu de Conakry par Jean-Christophe Rufin
Editeur : Flammarion
ISBN : 978-2-08-141693-2
Pages : 310
Date de parution : 28/03/2018
Crédit photo
Conakry : Alpha hmd CC BY-SA 4.0