Le Ghetto intérieur – Santiago Amigorena

J’ai fini Le ghetto intérieur de Santiago Amigorena, et perplexe, j’ai regardé la couverture : « Roman » bien en évidence aux deux tiers de la page.

Photo du livre de Santiago Amigorena, Le Ghetto intérieur sur une table avec un café et une assiette de gâteaux.

Sauf que je ne peux pas noter ce livre comme un roman, ça reviendrait à noter la crédibilité de la réalité historique ou la crédibilité de la réaction d’une personne à une situation. Absurde. Le contexte historique est ce qu’il est et la personne est ce qu’elle est.

Alors j’ai fait quelques recherches et je suis tombée sur la notion d’autofiction ou de roman personnelle, c’est-à-dire un récit fondé sur l’autobiographie et la fiction, un récit où personnage principal, narrateur et auteur se confondent.

Le personnage principal du livre Le Ghetto intérieur est le grand-père du narrateur et auteur. Il a influencé la vie de ce dernier. Alors autofiction me paraît mieux définir ce livre que roman.

Les persécutions des juifs par les nazis à Varsovie

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, dès 1940, les Allemands ont commencé à s’acharner sur les juifs polonais. À Varsovie, le 12 octobre de cette même année, les allemands obligent 138 000 juifs à déménager dans un quartier qui leur est réservé et qui est bouclé le 16 novembre.

Les conditions de vie sont terrifiantes. Alors que les déportations n’ont pas commencé, 80 000 personnes meurent de faim, du typhus ou de tuberculose entre novembre 1940 et juillet 1942.

Les déportations commencent à l’été 1942. Les rafles ont lieu de jour comme de nuit. Chaque jour, plusieurs milliers de personnes sont emmenés au camp d’extermination de Treblinka.

Lors de la dernière grande rafle, du moins lors de ce que les Allemands croient être la dernière grande rafle, ces derniers se heurtent à une opposition armée qui durera un mois. Les forces en présence étant disproportionnées, l’insurrection est vaincue.

Vues de l’Argentine

Incipit du livre :

Le 13 novembre 1940, à Buenos Aires, l’après-midi était pluvieuse et la guerre en Europe si loin qu’on pouvait se croire encore en temps de paix.

Tout est dit : la Shoah, vécue de loin, de très loin, de très très loin, par Vicente Rosenberg.

Arrivé en 1928 à Buenos Aires, avec pas beaucoup d’argent, il a épousé Rosita Szapire, dont les parents sont en Argentine depuis 1905 et après quelques hésitations, il travaille dans un magasin de son beau-père. Il a trois enfants. La vie lui sourit.

Par Vicente qui a laissé sa mère et son frère à Varsovie

Bien sûr, il avait proposé à sa mère de venir le rejoindre, lui avait écrit à ce sujet à maintes reprises. Mais il aurait pu aller la chercher, ou alors écrire à son frère. Et ça, il ne l’a pas fait.

Mais il n’avait jamais vraiment voulu se rendre à l’évidence du danger que couraient sa mère et son frère, qui vivaient encore à Varsovie, et sa sœur, qui avait réussi à fuir avec son mari en Russie.

C’était tellement facile de ne pas voir ; les journaux parlaient peu de ce qui se passait. Il faudra attendre la fin de la guerre pour connaître l’étendue du crime commis.

Les ravages de l’antisémitisme, même à distance

Vicente ne se sentait pas juif :

— Comment ça, on doit aller à la bar-mitzvah du fils d’Esther ?
— Oui, dimanche prochain. Je te l’ai déjà rappelé deux fois la semaine dernière.
— Ah bon ? Tu es sûre ? Quelle idée de continuer à fêter ces machins.

D’autres ont décidé pour lui :

L’une des choses les plus terribles de l’antisémitisme est de ne pas permettre à certains hommes et à certaines femmes de cesser de se penser comme juifs, c’est de les confiner dans cette identité au-delà de leur volonté – c’est de décider, définitivement, qui ils sont.

Alors, il finit par avouer à ses amis :

Ces derniers temps, bizarrement, même si je ne sais pas vraiment ce que c’est, je me sens de plus en plus juif.

Le style

Le livre est bien écrit et se lit facilement. On se laisse entraîner dans le débat intérieur de Vicente.

Mon avis en résumé

Ce qui va vous plaire

  • L’originalité du propos
  • Le débat intérieur de Vicente
  • L’analyse de la situation par le narrateur

Ce qui peut vous ennuyer

  • Rien

Mes notes

Originalité du propos4,8/5
Analyse de la situation5,0/5
Style4,0/5
Moyenne4,6/5

Pour aller plus loin

Le roman a reçu le prix 2019 des libraires de Nancy. Il a aussi figuré parmi les premières sélections de plusieurs autres prix (Goncourt, Médicis, Renaudot).

Le Ghetto intérieur, dixième livre de Santiago Amigorena, fait partie d’un projet plus vaste et complètement fou : une autobiographie complète composée de l’ensemble des œuvres de l’auteur. J’ai aussi chroniqué Le Premier Exil, une déception.

Sur les enfants de disparus dans les camps

Quand tu écouteras cette chanson
Lola Lafon

En arrière plan, l'entrée du camp de concentration d'Auschwitz, au premier plan la couverture du livre de Lola Lafon, Quand tu écouteras cette chanson
Le devoir de survivre

La carte postale
Anne Berest

En arrière-plan, une boîte aux lettres, au premier plan, la couverture du livre d'Anne Berest, La carte postale
Une carte postale et quatre prénoms

Info-livre : Le Ghetto intérieur par Santiago Amigorena

Couverture du livre de Santiago Amigorena, Le Ghetto intérieur

Editeur : P.O.L
ISBN : 978-2-8180-4781-1
Pages : 192
Date de parution : 22/08/2019

Cet article vous a-t-il été utile ? Notez-le !
[Total: 0 Moyenne : 0]
Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)
Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)

J'adore discuter de mes lectures. N'hésitez pas à me laisser des commentaires ou à me rejoindre sur les réseaux sociaux.

Rédactrice NetGalley

Articles: 584

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.