La fabrique des pervers — Sophie Chauveau

On croit savoir, en réalité, chaque livre lu sur l’inceste, ce fléau, vous en apprend un peu plus. La fabrique des pervers de Sophie Chauveau ne fait pas exception. Une œuvre indispensable.

En arrière-plan, un oeil barré, au premier plan, la couverture du livre de Sophie Chauveau, La fabrique des pervers
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Que se passe-t-il ?

En 1870, pendant le siège de Paris par les Prussiens, les habitants sont affamés. Deux jeunes hommes ont alors l’idée de tuer les animaux du Jardin des Plantes et de vendre leur viande. C’est le commencement d’une dynastie.

Plus d’un siècle plus tard, l’autrice reçoit un courrier d’une lointaine cousine, Béatrice. Elles se téléphonent et leur dialogue annonce la teneur du livre :

« - Par chance, ma mère est morte, je n’ai plus aucune obligation de voir mon père. Je ne l’ai jamais revu…
— Donc, il vit toujours, le mien aussi.
Là, elle marque un temps, hésitant avant d’enchaîner, très vite comme on se jette à l’eau.
— Et il m’a violé de quatre à quatorze ans. »

Le livre ne décrit pas un cas d’inceste isolé, mais de toute une famille ; il y a les trop nombreuses victimes, ceux qui ont reproduit la perversion, et plus incroyable encore, les personnes venues de l’extérieur, mariées à des membres de la famille et qui n’ont rien trouver à y redire.

Sophie Chauveau est pudique et ne dépeint pas de scènes insoutenables, elle constate, s’interroge. J’ai appris que quand la parole se libérait, c’était trente ou quarante ans ans après, une fois que les faits sont prescrits1. L’amnésie de la victime est un outil de survie pour la victime, aussi un outil bien commode pour l’agresseur.

Lorsque j’ai lu La familia grande, j’ai pensé que le livre aurait pu s’appeler Chroniques d’un inceste annoncé, tant les critères qui disaient que cette famille jouait avec le feu étaient présents. Mais, inimaginable que cette façon de vivre devienne celle d’une famille de génération en génération. Inimaginable, vraiment ? Il existe aussi des familles où la maltraitance se reproduit de génération en génération. Alors, il faut rester vigilant et ne jamais croire que c’est impossible (ce qui me semble le plus difficile : comment soupçonner quelqu’un qu’on aime d’une telle horreur ?).

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Quels sont les thèmes ?

  • Inceste
  • Libération de la parole
  • Famille dysfonctionnelle (et pas qu’un peu)

Où et quand ?

Sophie Chauveau remonte jusqu’en 1870, sans que l’on sache quand le premier inceste a eu lieu. Ce qui est certain, c’est que très vite, la famille s’est mise à avoir un comportement malsain.

Qui sont les personnages ?

Personnages n’est peut-être pas le mot, mais « personne » peine à venir sur mon clavier.

Les victimes
L’autrice et sa cousine en font partie. Quand on est enfant, on n’a pas de références, impossible de savoir si le comportement de ses parents est normal ou pas. Et surtout, les enfants aiment leurs parents. Sophie Chauveau a eu du mal à se souvenir qu’elle aimait son père, mais bien sûr, il est une époque où elle l’adorait.

Les agresseurs
Ils ont en commun l’immaturité et l’empathie d’une palourde. Ils ne pensaient pas, nous dit Sophie Chauveau. Hélas, penser ne suffit pas, comme le démontre le cas décrit par Camille Kouchner.

Les personnes venues de l’extérieur
Leur comportement est le plus effrayant, parce qu’elles savent, elles, que l’inceste est une perversion. Mais elles ne voient pas, ou n’y attachent pas d’importance quand ce n’est pas un homme qui avoue avoir envié les agissements du père de la narratrice.

Comment est-ce écrit ?

Le livre parle de recherches familiales, de réflexions aussi et elles sont essentielles.

Incipit :

« — Un hippopotame, dis-tu ? Tu crois qu’il y a beaucoup de gras sur un hippopotame ?
— Je pense que le rhinocéros est plus gros mais l’hippopotame plus lent, donc plus facile à attraper. »

Citation :

« Longtemps, la victime perçoit l’inceste comme normal. En l’absence d’informations démontrant que ce n’est ni normal ni socialement admis, comment depuis son huis clos pourrait-elle l’inventer ? Aussi fait-elle sien le climat dans lequel tout baigne alentour, et finit-elle par s’y reconnaître, sans plus se demander si tout le monde vit les mêmes choses. Puisque sa mère ne voit rien, puisque personne dans son entourage n’y trouve rien à redire… comment s’en défendrait-elle ? »

Mon avis en résumé

Ce que j’ai aimé :

  • Un livre indispensable, tout simplement

Mes notes

Livre indispensable, 5/5 donc.

À propos d’inceste ou de pédophilie

My Absolute Darling
Gabriel Tallent

En arrière plan, un couteau planté dans un arbre, au premier plan, la couverture du livre de Gabriel Tallent, My Absolute Darling
Turtle hésite entre l’amour et la haine que son père lui inspire.

Chavirer
Lola Lafon

En arrière plan, une danseuse et des chaussons de danse, au premier plan, la couverture du livre de Lola Lafon, Chavirer
Jusqu’où une adolescente ira-t-elle pour réaliser ses rêves ?
  1. Au pénal, mais pas au civil, voies que les victimes commencent à entamer. ↩︎

Info-livre : La fabrique des pervers par Sophie Chauveau

Couverture du livre de Sophie Chauveau, La fabrique des pervers

Editeur : Folio
ISBN : 978-2-07-290738-8
Pages : 320
Date de parution : 06/05/2021

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Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)
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Rédactrice NetGalley

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