En finir avec Eddy Bellegueule — Édouard Louis

En finir avec Eddy Bellegueule peint le portrait brutal d’une quête identitaire dans un village étouffant. Violence, virilité toxique, incompréhension et misère morale font du livre d’Édouard Louis un récit poignant bien que parfois voyeuriste.

A l'arrière-plan, un ballon de foot et au premier plan, la couverture du livre d'Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule
Les autres garçons ont une voix grave, jouent au foot et sortent avec des filles.

Eddy Bellegueule, un surnom ?

Eddy Bellegueule, on dirait le surnom d’un gangster des années 1930. En fait non, Édouard Louis est né Eddy Bellegueule. Avouez que ça ne démarre pas bien pour lui (ça ne continue pas mieux non plus). Issu d’une famille qu’il décrit comme pauvre, que ce soit au plan monétaire, social ou intellectuel, il est différent et pas une différence que son environnement, qui met en avant la virilité, enfin une certaine forme de virilité, peut accepter.

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Ne pas savoir qui l’on est

Ses parents le traitent de gonzesse.

« Pourtant j’ignorais les causes de ce que j’étais. J’étais dominé, assujetti par ces manières et je ne choisissais pas cette voix aiguë. Je ne choisissais ni ma démarche, les balancements de hanche de droite à gauche quand je me déplaçais, prononcés, trop prononcés ni les cris stridents qui s’échappaient de mon corps, que je ne poussais pas, mais qui s’échappaient littéralement par ma gorge quand j’étais surpris, ravi ou effrayé. »

Je crains que ce genre de rejet n’ait lieu dans beaucoup de familles, indépendamment des milieux sociaux. Il arrive aussi que ce ne soit pas aussi clair pour l’intéressé (Les ailes collées, de Sophie de Baere).

Un environnement violent

Un homme, c’est violent, un principe plutôt bien accepté dans le village où Eddy a grandi. Violence aggravée par l’alcool. Et que dire d’une vie passée dans une usine insalubre où le travail vous bousille le dos ?
Pourtant, le père d’Eddy porte rarement la main sur lui, et il lui arrive même de pleurer (larmes d’ivrogne ?)
Eddy finit par fuir, et, si seulement la moitié (ou même un quart) de ce qui est raconté est vrai, comment lui reprocher un manque d’empathie ? L’empathie l’aurait conduit à aider ses parents et à reproduire leurs vies. Alors, fuis Eddy, fuis.

Une attention portée sur la misère morale et sociale

Au village d’Eddy, les garçons vont travailler à l’usine et les filles deviennent caissières avant de se marier et d’élever leurs enfants.
À plusieurs reprises, le narrateur explique que les villageois n’avaient pas la moindre idée qu’ailleurs, les choses pouvaient être différentes, pas plus qu’il en avait lui-même l’idée. Eddy n’est pas allé vers un lieu qui lui paraissait meilleur, mais il a fui une situation insupportable.

La violence de classe, l’histoire de Sylvain

Sylvain est le cousin d’Eddy et a été élevé par leur grand-mère. Il passe sa jeunesse à voler des mobylettes et à cambrioler. Il est arrêté et envoyé en prison. Lors d’une permission, il fonce en voiture et blesse un policier. L’occasion pour Édouard Louis de traiter les violences de classe  : Sylvain ne comprend pas le langage de ceux qui ont fait des études.

« Affirmeriez-vous que vos actes sont imputables à des contraintes extérieures ou avez-vous la sensation que seul votre libre arbitre était en jeu dans cette affaire ? »

Selon le narrateur, Sylvain ne comprenait pas que cette violence l’avait conduit là, il devait simplement penser que le procureur parlait comme un pédé.

Les vains efforts d’Eddy pour être comme les autres garçons

Les autres garçons ont une voix grave, jouent au foot et sortent avec des filles. En se répétant tous les matins qu’il serait un dur, il essaie et il y met de la bonne volonté, mais le foot, ce n’est pas possible. Quant aux filles, c’est catastrophique sans compter l’intervention maladroite de sa sœur.
Peu importe finalement, ce qui est réalité ou fiction. Le roman est tout droit sorti de l’enfance d’Eddy Bellegueule, et c’est ce qu’il avait envie de nous dire. Et c’est ça qui compte.

Mon avis en résumé

Ce que j’ai aimé :

  • Un livre coup de poing
  • L’histoire d’un enfant qui ne comprend pas qui il est.

Ce que j’ai regretté (mais peut-être pas vous) :

  • Jouer les voyeurs malgré vous

Mes notes

Note globale : 4,5/5

Des vies qui démarrent mal

Le soleil des Scorta
Laurent Gaudé

A l'arrière-plan, une fenêtre aux volets fermés, au premier plan, la couverture du livre de Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta
Tout commence par un malentendu

L’enragé
Sorj Chalandon

En arrière-plan, des mains tenant des barreaux, au premier plan, la couverture du livre de Sorj Chalandon, L'enragé
Un livre sombre, mais prenant que je vous recommande vivement.

Les dés
Ahmet Altan

En arrière plan, une mosquée à Istanbul et au premier plan, la couverture du livre d'Ahmet Altan, Les dés
En Turquie, au début du siècle dernier

Info-livre : En finir avec Eddy Bellegueule par Édouard Louis

Couverture du livre d'Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule

Editeur : Points
ISBN : 978-2-7578-8505-5
Pages : 216
Date de parution : 21/09/2020
(Initialement paru en 2014 aux éditions du Seuil)

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Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)
Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)

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Rédactrice NetGalley

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