La douleur — Marguerite Duras

Il y a la forme et il y a le fond. Sur la forme, j’ai été trop émerveillée par L’amant pour refuser l’idée que Marguerite Duras est un écrivain de génie. Sur le fond, La douleur m’a rappelé une interrogation : comment Marguerite Duras, dont l’image et les propos publics m’avaient souvent indisposée, pouvait-elle être l’auteur de L’amant ?

A l'arrière-plan, l'hôtel Lutetia, qui a accueilli les déportés à leur retour des camps de concentration nazis, au premier plan, la couverture du livre de Marguerite Duras, La douleur
A l’arrière-plan, l’hôtel Lutetia, qui a accueilli les déportés à leur retour des camps de concentration nazis

Elle est un écrivain de génie, certes, mais en tant que personne ? Je suis plus dubitative.

La douleur

En 1945, une femme attendait son mari Robert L., arrêté par la Gestapo et envoyé en camp de concentration. Elle s’occupait comme elle pouvait, essayait d’être utile même si je n’ai pas très bien compris comment. En revanche, je crois avoir saisi que son état mental laissait à désirer, sans doute parce qu’elle était au-delà de la souffrance.

Il y a deux parties dans cette nouvelle, l’attente (qui témoigne de ce qui se passait en France au fur et à mesure que les Américains ou les Russes libéraient les camps) et puis le retour de Robert L.

Robert L., c’est Robert Anthelme, l’époux de Marguerite Duras dont elle s’est séparée à la fin de la guerre. Il a peu apprécié qu’elle ait raconté son histoire : « Elle a osé ! » s’écria-t-il en l’apprenant. En 1947, il avait publié un ouvrage sur son expérience en camp de concentration : L’espèce humaine. On peut toujours le trouver en librairie.

Mais, c’est le livre de Marguerite Duras qui est le plus connu et peut-être est-ce pour cela que les écrivains ont le droit d’écrire sur tout : parce que certaines de leurs œuvres survivront au temps et continueront de témoigner.

Incipit :

« Avril
Face à la cheminée, le téléphone, il est à côté de moi. À droite, la porte du salon et le couloir. Au fond du couloir, la porte d’entrée. Il pourrait revenir directement, il sonnerait à la porte d’entrée : “Qui est là — C’est moi”. »

Monsieur X. dit ici Pierre Rabier

Plus qu’à l’œuvre littéraire, j’ai été sensible au témoignage. Le mari de Thérèse a été arrêté et emprisonné, elle voudrait avoir des nouvelles, lui faire porter des colis. Elle se lie alors avec un Gestapiste, Pierre Rabier.

Que sait-il de Thérèse, de son appartenance au réseau de résistance Morland (François Morland alias François Mitterrand) ? L’homme et la femme semblent se jouer l’un de l’autre. Aurait-il appréhendé Thérèse et ses amis si Paris n’avait pas été libéré ? 

Quand Rabier sera jugé, Thérèse l’accablera puis reviendra faire un témoignage positif, ce qui agacera le juge. Pourtant, Thérèse a raison, rien n’est aussi blanc ou aussi noir qu’on l’imagine.

Citation :

« Nous nous voyons tous les jours, D. Et moi. Nous parlons de Rabier. Je lui raconte ce qu’il dit. J’ai beaucoup de mal à lui décrire son imbécillité essentielle. Celle-ci l’enveloppe tout entier, sans marge d’accès. Tout relève d’elle chez Rabier, les sentiments, l’imagination et le pire de l’optimisme. Cela, dès son abord. Il se peut que je n’aie jamais rencontré quelqu’un d’aussi seul que ce pourvoyeur de morts. »

Albert des Capitales

Sur le fond, cette histoire me pose problème.

Elle se passe avant La douleur, mais se lit après pour que le lecteur comprenne, mais comprenne quoi ? Que sur simple dénonciation, il est normal qu’une femme interroge et torture un homme qu’elle n’a jamais vu ? Que ça se justifie par la souffrance de Thérèse et par les tortures qu’ont subies les deux hommes qui frappent ? Et à aucun moment, la narratrice ne réalise qu’ils sont en train de reproduire ce qui les a presque détruits.

Citation :

« Les deux gars recommencent à frapper. Ils frappent aux endroits déjà frappés. Le donneur crie. Quand ils cognent, sa plainte s’étrangle et devient une sorte de gargouillement obscène. Un bruit qui donne envie de frapper encore plus fort, que ça s’arrête. Il essaie de parer les coups, mais il ne voit rien venir. Il les encaisse tous. »

Les trois autres nouvelles

Ter le milicien décrit un jeune homme sans scrupule et sans doute sans grande intelligence arrêté par le groupe de Thérèse. Dans L’Ortie brisée, l’auteur imagine un milicien ou un Gestapiste en fuite. La courte nouvelle Aurélia Paris est plus énigmatique.

Mon avis en résumé

Davantage un livre-témoignage qu’une œuvre littéraire, du moins est-ce comme cela que je l’ai perçue. N’hésitez pas à me laisser votre sentiment à ce sujet en commentaires.

Ma note

Note globale : 3/5

Lecture un peu exigeante

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Info-livre : La douleur par Marguerite Duras

Couverture du livre de Marguerite Duras, La douleur

Editeur : Folio
ISBN : 978-2-07-038704-5
Pages : 218
Date de parution : 13/06/2007
(initialement paru en 1985 aux éditions P.O.L.)

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Crédit photo
Aarrière-plan : Arthur Weidmann sous licence CC BY-SA 4.0

Catherine Perrin (cath_lit_et_chronique)
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